Arrière-plan historique

Arrière-plan historique

Invasion et plans d’occupation

Mairie de Tübingen avec le drapeau tricolore (vue depuis la Wienergäßle), automne 1947, photographe : Carl Näher, droits : Archives municipales de Reutlingen
Mairie de Tübingen avec le drapeau tricolore (vue depuis la Wienergäßle), automne 1947, photographe : Carl Näher, droits : Archives municipales de Reutlingen

Les troupes françaises occupèrent Tübingen le 19 avril 1945 au matin. Si la ville fut épargnée de plus larges destructions, c’est parce que de nombreux blessés, civils et militaires, y étaient soignés. Certes, le gauleiter national-socialiste Wilhelm Murr avait ordonné une « lutte à mort » quelques jours plus tôt. Mais un groupe de citoyens réuni autour d’un médecin du service de santé militaire Theodor Dobler avait résisté à cet ordre délirant. Tübingen fut déclarée zone exclue des combats. Les soldats français entrèrent dans la ville sans qu’on leur oppose de résistance et le drapeau tricolore fut hissé à la mairie. Les officiers français s’installèrent à l’Hotel Lamm sur la Marktplatz. Ce fut une chance pour la ville que l’on n’ait pas fait exploser l’Eberhardsbrücke, l’un des rares ponts restants sur le Neckar.

Theodor Dobler
Theodor Dobler, photographie prêtée par la famille Dobler

Theodor Dobler (1893–1973) était médecin du service de santé militaire à Tübingen. Avec d’autres personnes, il refusa d’obéir à l’appel à résister coûte que coûte. C’est d’ailleurs en partie grâce à son rôle déterminant que Tübingen resta épargnée des dommages de la guerre et fut livrée à l’armée française sans combat. Dès 1945, une rue de Tübingen sur l’Österberg prit son nom. À partir de 1946, il dirigea la maison de repos Auf dem Sand. (F.R.)

Malgré cela, les occupants se trouvèrent dans un premier temps face à des défis de taille. Certes, lorsqu’ils arrivèrent, ils découvrirent une ville restée relativement intacte et un appareil administratif en état de fonctionner. Mais ils manquaient d’instructions bien définies pour s’occuper de la situation tendue du logement et du ravitaillement. Il n’y avait pas non plus de stratégie claire pour mener l’épuration politique. Ce n’est qu’en juin 1945 que Paris formula des directives sur la manière de procéder en zone occupée. Pour cette raison, le premier commandant de la ville, Étienne Metzger, suivit une tactique qui allait dans deux directions. D’un côté, il mit en place des mesures pour insuffler la confiance et il fit preuve de compréhension à l’égard de la détresse de la population. De l’autre, il donna des ordres sans équivoque et des instructions claires pour assoir sa propre autorité.

Étienne Metzger (1903–1976) fut nommé commandant militaire en charge de la ville quelques semaines après l’arrivée des troupes françaises à Tübingen. Ce capitaine de corvette a repris les choses en main après une période assez chaotique. Il a montré de la compréhension pour les difficultés de la population locale et a soutenu la renaissance de la vie culturelle. Dès le début sa politique chercher à encourager un renouveau démocratique.

Le Général Marie-Pierre Koenig sur la Marktplatz de Tübingen le 5 juillet 1946, photo : Rotophot, droits : Archives municipales de Reutlingen
Le Général Marie-Pierre Koenig sur la Marktplatz de Tübingen le 5 juillet 1946, photo : Rotophot, droits : Archives municipales de Reutlingen

Cette attitude ne répondait pas seulement à des impératifs humanitaires et à des nécessités en matière de sécurité. Bien plus que cela, elle correspondait à l’objectif fondamental des occupants : la démocratisation et la reconstruction de l’Allemagne au profit de toutes les parties. Car pour la plupart des décisionnaires français, il était clair qu’un ordre européen tourné vers l’avenir ne serait pas possible sans un nouveau départ démocratique en Allemagne. C’est pourquoi l’occupation fut marquée dès le début par une interaction ambivalente entre conflit et rapprochement, démarcation et échange. Les acteurs impliqués furent plus variés et les formes d’interaction plus complexes qu’une simple opposition binaire entre occupants et occupés, Français et Allemands.

Violences sexuelles, dénazification et détresse quotidienne

Affiche avec l’avis sur le ravitaillement des anciens prisonniers de guerre, le 26 avril 1945, droits : Archives municipales de Tübingen
Affiche avec l’avis sur le ravitaillement des anciens prisonniers de guerre, le 26 avril 1945, droits : Archives municipales de Tübingen

Dans la mémoire des Tubingeois, les premiers jours et semaines d’occupation restent une période d’incertitude et de terreur. Des témoins de l’époque rapportent que les soldats qui occupaient la ville et les anciens travailleurs forcés ont commis des actes arbitraires, des pillages et des violences sexuelles. Des centaines de femmes violées se sont fait examiner à la clinique gynécologique de Tübingen dans les mois qui ont suivi. Dans la confusion des derniers jours de guerre, la justice militaire française ne pouvait pas mettre en place de sanctions fermes contre les pillages et les viols. C’est pourquoi, du point de vue de nombreux Tubingeois, les avertissements de la propagande national-socialiste semblèrent se vérifier.

Les occupants connaissaient l’emprunte idéologique laissée par le passé national-socialiste. C’est pourquoi ils prirent rapidement des mesures pour dénazifier l’administration, la justice et l’université. Ils furent soutenus par la Demokratische Vereinigung (regroupement démocratique), dont les membres se réunissaient dans le restaurant zum Pflug, dans la partie basse de la ville. Ce groupe de personnalités de la ville non impliquées dans le régime national-socialiste regroupait entre autres Viktor Renner, devenu maire et chef de district en juin 1945, et Carlo Schmid, nommé chef provisoire de l’administration du Land en octobre. Toutefois, tout ne reposait pas sur la mise en accusation systématique du passé national-socialiste. C’est ce qu’a montré par exemple le procès tenu en 1949 au château de Hohentübingen pour les meurtres par euthanasie de Grafeneck.

Viktor Renner
Viktor Renner, photographie : Foto-Dohm, droits : Archives municipales de Reutlingen

Viktor Renner (1899–1969) fut maire de Tübingen entre 1945 et 1946. En tant que membre de la Demokratische Vereinigung, ce juriste fut nommé maire provisoire en juin 1946. Il était en même temps représentant de Tübingen au Landtag. De 1946 à 1952, il fut ministre de l’intérieur du Wurtemberg-Hohenzollern, puis premier ministre de la Justice du Land de Bade-Wurtemberg. (T.K./F.R./J.G.)

Carlo Schmid en campagne politique
Carlo Schmid en campagne politique, photographie privée prêtée par Martin Schmid

Carlo Schmid (1896–1976) fut l’un des acteurs politiques les plus influents de la période d’après-guerre à Tübingen. Ce juriste né en France était membre de la Demokratische Vereinigung et encouragea fortement la dénazification de l’université et de l’administration. En décembre 1946, cet homme politique de la SPD devint responsable pour la justice et président du secrétariat d’État du Land de Wurtemberg-Hohenzollern. Il fut plus tard l’un des « pères » de la République fédérale d’Allemagne. (C.M./F.R./J.G.)

Pont provisoire Alleenbrücke, en arrière-plan le château de Hohentübingen, septembre 1949, photographe : Kleinfeldt, droits : Archives municipales de Tübingen
Pont provisoire Alleenbrücke, en arrière-plan le château de Hohentübingen, septembre 1949, photographe : Kleinfeldt, droits : Archives municipales de Tübingen

Les mois qui suivirent la fin de la guerre furent marqués par une crise du logement, une situation de pénurie et des difficultés liées à la destruction des infrastructures de transport. Certes, la pénurie de produits alimentaires, l’arrêt de la production et le marché noir résultaient en première ligne de l’effondrement de l’économie de guerre allemande. Mais ces trois éléments furent en général reprochés aux occupants français et interprétés comme une sanction. C’est pourquoi en plus des actes de violence des premières semaines et des conflits autour de la dénazification et de la démocratisation, ce sont surtout les réquisitions, le cantonnement des soldats dans Tübingen et les démantèlements qui pesèrent sur la relation des occupants avec la population locale. En effet, les marges de manœuvre du gouvernement militaire étaient limitées, car la France souffrait elle-même d’une pénurie de produits alimentaires, de vêtements et de logements suite à la guerre et au pillage des ressources sous l’occupation national-socialiste. Par ailleurs, dans l’opinion publique française, c’est la volonté de revanche qui dominait. Ainsi, le gouvernement militaire ne disposait ni des moyens, ni de la volonté inconditionnelle de satisfaire les besoins matériels de la population allemande.

Tübingen, capitale du Land

Emma Fischer, vendeuse de journaux pour le Schwäbisches Tagblatt, 1951, photographe : Alfred Göhner, droits : Archives municipales de Tübingen
Emma Fischer, vendeuse de journaux pour le Schwäbisches Tagblatt, 1951, photographe : Alfred Göhner, droits : Archives municipales de Tübingen

En septembre 1945, le colonel Guillaume Widmer s’installa sur l’Österberg en tant que gouverneur, dans la maison confisquée de la corporation étudiante Rhenania. Le palais de justice dans la Doblerstraße devint le siège du gouvernement militaire du Wurtemberg-Hohenzollern. Ce fut le début d’une période prospère pour la future capitale du Land : Tübingen devint un centre administratif et culturel. Le quotidien Schwäbisches Tagblatt parut pour la première fois le 21 septembre. Le 15 octobre, l’université rouvrit ses portes avec une cérémonie solennelle dans la salle des fêtes de la Neue Aula. De nombreux candidats à l’inscription étaient d’anciens soldats de la Wehrmacht qui avaient passé leur examen de fin de cycle secondaire dans des conditions exceptionnelles et qui n’étaient pas prêts pour des études universitaires. Pour préparer ces jeunes gens à entrer à l’université et leur transmettre une conscience démocratique, le Leibniz Kolleg fut installé dans les salles de la Deutsche Burse.

Guillaume Widmer devant la Neue Aula
Guillaume Widmer devant la Neue Aula, détail d’une photo, droits : Schwäbisches Tagblatt

Guillaume Widmer (1906–1968) fut le gouverneur français du Wurtemberg-Hohenzollern de 1945 à 1952. Cet ancien banquier avait servi dans l’armée en Indochine entre 1939 et 1941. Plus tard, il résista activement contre l’occupation allemande. Sous son mandat, Tübingen devint le centre culturel et administratif du Wurtemberg-Hohenzollern. À partir de 1954, il travailla comme fonctionnaire au ministère français de la Défense. (F.R.)

Dans le même temps, les forces d’occupation intensifièrent leur travail de coopération avec les acteurs politiques locaux. Les commandants de districts furent les premiers à faire preuve de compréhension envers les problèmes des habitants. Le 15 septembre 1946 eurent lieu les premières élections communales libres depuis la prise de pouvoir national-socialiste. Adolf Hartmeyer fut élu maire. A partir de novembre 1946, une assemblée consultative régionale travailla à une nouvelle constitution pour le Wurtemberg-Hohenzollern. Le 18 mai 1947, on élit le premier parlement régional, qui se réunit dans l’abbaye de Bebenhausen jusqu’en avril 1952. Tübingen devint le siège de nombreuses autorités régionales, parmi lesquelles la police, le tribunal de grande instance, l’administration postale et la direction des chemins de fer.

Le maire Adolf Hartmeyer sur le balcon de la mairie
Le maire Adolf Hartmeyer sur le balcon de la mairie, photographe : Carl Näher, droits : Archives municipales de Reutlingen

Adolf Hartmeyer (1886–1953) fut maire de Tübingen de 1946 à 1948. Cet imprimeur que les nationaux-socialistes avaient interdit d’exercer sa profession adhéra à la Demokratische Vereinigung (regroupement démocratique) après la fin de la guerre. En 1946, cet homme politique de la SPD fut nommé maire et confirmé dans ses fonctions lors des élections municipales de novembre. Il travailla en particulier à améliorer la situation alimentaire ainsi que la crise du logement. (F.R.)

Affiche de mise en garde contre la Légion étrangère par les jeunes socialistes, photographe : Alfred Göhner, droits : Archives Municipales de Tübingen
Affiche de mise en garde contre la Légion étrangère par les jeunes socialistes, photographe : Alfred Göhner, droits : Archives Municipales de Tübingen

Rapidement, la vie politique reprit. Cela montre d’une part que le gouvernement militaire était tributaire d’un soutien local, et correspond d’autre part à l’idée selon laquelle la démocratisation ne peut être prescrite d’en haut. Celle-ci présupposait une culture de débat publique et ne pouvait être atteinte que par le dialogue. Cependant, le rapprochement entre occupants et occupés ne se déroula pas toujours sans heurts. Suite au vol de trois drapeaux français sur le portail de la Johanneskirche en mai 1946, le gouvernement militaire appliqua de sévères sanctions. Le recrutement de jeunes Allemands pour la Légion étrangère française fut également source de conflits jusqu’à la fin des années 1950.

Une époque culturellement prospère

Participants à la première université d’été à Tübingen devant le collège Decourdemanche, été 1946, photographie privée prêtée par Hellmut Waller
Participants à la première université d’été à Tübingen devant le collège Decourdemanche, été 1946, photographie privée prêtée par Hellmut Waller

Les premières années d’occupation restent « l’époque de la belle misère » dans la mémoire de nombreux Tubingeois. L’offre culturelle variée relevait de la politique française de rééducation et de démocratisation. Le 17 juin 1945, à une période encore fortement marquée par la pénurie d’après-guerre, un premier concert de musique de chambre eut lieu dans la salle des fêtes de l’université. Il marqua les préludes d’une politique culturelle ambitieuse. En l’espace de quelques mois, Tübingen devint un centre culturel de rang régional voire national. Il y eut à partir de juillet 1945 des représentations théâtrales régulières, et à partir du mois d’août des diffusions de films au « Museum ». En novembre, le Städtisches Schauspielhaus (théâtre municipal) débuta son activité avec une distribution de renom. De ce théâtre naquit plus tard le Landestheater (théâtre régional) de Tübingen.

La Section Beaux-Arts du gouvernement militaire, dirigée par Jean Dollfus, s’appliqua à encourager les arts plastiques. L’ancienne collection des Antiquités de la faculté d’archéologie laissa place à des expositions d’art classique et moderne. Les « chefs-d’œuvre des musées de Cologne et de la Staatsgalerie du Wurtemberg », exposés de septembre 1946 à avril 1947, attirèrent 42 000 visiteurs. En revanche, l’exposition des peintres allemands contemporains, qualifiés encore peu de temps auparavant d’artistes « dégénérés », eut moins de succès. La propagande national-socialiste semblait avoir laissé des traces également dans ce domaine.

Jean Dollfus (1891–1983), originaire d’une famille alsacienne, a vécu cinq ans à Tübingen après la fin de la guerre. Sa fonction d’officier en charge de la politique culturelle a permis à ce géographe de formation et passionné d’art de jouer un rôle positif dans le développement des échanges franco-allemands au niveau local. Son amitié avec Carlo Schmid et Theodor Heuss l’a aidé dans sa tâche. (F.R.)

Remise des Palmes académiques par René Cheval à Gerhard Rohlfs, Mario Wandruzka et Dr. Fritz (de droite à gauche), terrasse du Centre d’Études Françaises, 1968, photographe : Alfred Göhner, droits : Archives municipales de Tübingen
Remise des Palmes académiques par René Cheval à Gerhard Rohlfs, Mario Wandruzka et Dr. Fritz (de droite à gauche), terrasse du Centre d’Études Françaises, 1968, photographe : Alfred Göhner, droits : Archives municipales de Tübingen

Le gouvernement militaire soutint une politique de recrutement ambitieuse, qui conduisit de nombreux chercheurs de renom à rejoindre l’université de Tübingen. À l’initiative des autorités d’occupation, une université d’été proposa des cours en août 1946 pour 500 étudiants allemands, français, britanniques et suisses. Certains invités étrangers furent hébergés par des familles tubingeoises. Michel Tournier, qui deviendrait plus tard un écrivain célèbre, resta plusieurs semestres à Tübingen après avoir participé à cette université d’été. Claude Lanzmann, futur réalisateur de documentaires, étudia lui aussi deux semestres à Tübingen. En outre, la « mission culturelle » des autorités d’occupation française trouva son expression dans la création du Centre d’Études Françaises. Il s’installa en 1952 sur l’Österberg, dans l’ancien palais princier. Depuis, il est devenu l’Institut Culturel Franco-Allemand et reste un médiateur important de la culture française.

Michel Tournier, été 1946
Michel Tournier, été 1946, détail de photo, photographie privée prise par Helmut Waller

Michel Tournier (1924–2016) fut un écrivain français. Il fut l’un des premiers civils français à venir en Allemagne après la guerre. Après avoir suivi une université d’été en 1946, il étudia plusieurs années à Tübingen. Lors de son séjour, son amitié avec son futur traducteur Helmut Waller fut particulièrement marquante. Il consigna ses souvenirs de la période dans son œuvre autobiographique, Le vent Paraclet. (J.F./F.R./M.O.)

Claude Lanzmann (*1925) est un écrivain et cinéaste français. Après la guerre il a compté parmi les premiers Français de confession juive à se rendre en Allemagne. Il a étudié la philosophie avec Michel Tournier entre 1946 et 1947 à Tübingen. Il est devenu célèbre après avoir réalisé en 1985 le documentaire « Shoah » sur le souvenir de l’Holocauste.

La présence française jusque 1991

Inauguration de l’école française sur le Galgenberg, 31 mars 1955, photographe : Alfred Göhner, droits : Archives municipales de Tübingen
Inauguration de l’école française sur le Galgenberg, 31 mars 1955, photographe : Alfred Göhner, droits : Archives municipales de Tübingen

Avec la création de la République fédérale en 1949, la naissance du Land de Bade-Wurtemberg en 1952 et la fin du statut d’occupation en 1955, presque toutes les institutions françaises disparurent du centre historique de Tübingen. On ferma le cimetière militaire français, situé sur l’actuel terrain du parking derrière le Kupferbau. Les magasins français furent réunis au sein d’un grand Économat dans la Katharinenstraße. La plupart des soldats et leurs familles emménagèrent dans des immeubles et maisons mitoyennes construits pour eux dans la partie sud de la ville. Le collège français Decourdemanche, installé jusqu’alors dans l’école confisquée Wildermuthschule, acquit son propre bâtiment sur le Galgenberg.

Malgré le repli des soldats dans le sud de la ville, il restait de nombreux endroits où les Français et les Allemands pouvaient se rencontrer. Par exemple, le restaurant du « Foyer », à hauteur du Blaue Brücke, attirait aussi bien de simples soldats que des citoyens tubingeois ou des étudiants. En revanche, les rencontres au mess des officiers au bord du Neckar étaient en général réservées aux habitants fortunés de Tübingen ainsi qu’aux notables. Dans les années 1970, il y eut des contacts sporadiques entre les étudiants tubingeois politisés et les appelés français engagés à gauche. Le « jour des casernes ouvertes » attirait chaque année un public très mélangé, dont de nombreuses familles avec leurs enfants.

Journée portes ouvertes de la garnison française dans le Quartier Maud’Huy (l’ancienne caserne Hindenburg), vers 1962, photographe : Alfred Göhner, droits : Archives municipales de Tübingen
Journée portes ouvertes de la garnison française dans le Quartier Maud’Huy (l’ancienne caserne Hindenburg), vers 1962, photographe : Alfred Göhner, droits : Archives municipales de Tübingen

Aujourd’hui, les anciens bâtiments militaires sont utilisés à des fins civiles. À première vue, peu de choses évoquent l’ancienne présence française à Tübingen. La caserne Thiepval fut évacuée par l’armée française en 1978. Elle servit d’abord de foyer pour les demandeurs d’asile puis accueillit le centre d’impôts de Tübingen. En 1982, les forces armées françaises libérèrent les bâtiments de l’hôpital Auf dem Sand. Les endroits auparavant occupés par les soldats devinrent des quartiers modernes. Après une longue planification, le Französisches Viertel (quartier français) s’étend aujourd’hui sur le terrain de l’ancienne caserne Hindenburg. En 1998, on installa la Volkshochschule de Tübingen (université populaire) dans l’un des bâtiments de l’ancienne caserne Loretto. La création de cette institution avait été soutenue par les occupants français en 1947. Le terrain de l’ancien dépôt de munitions de Schindhau est l’un des rares endroits où les traces de l’« époque française » sont restées très visibles.

Johannes Großmann/Yannick Lengkeek/Matthieu Osmont

Pour plus d’informations

Annemarie Hopp et Bernd Jürgen Warneken (dir.), Feinde, Freunde, Fremde. Erinnerungen an die Tübinger « Franzosenzeit », Tübingen, Kulturamt, 1995.

Udo Rauch et Antje Zacharias (dir.), Sieben Jahre Landeshauptstadt. Tübingen und Württemberg-Hohenzollern 1945 bis 1952, Tübingen, Kulturamt, 2002.

Wolfgang Sannwald (dir.), Persilschein, Käferkauf und Abschlachtprämie. Von Besatzern, Wirtschaftswunder und Reformen im Landkreis Tübingen, Tübingen, Verlag Schwäbisches Tagblatt, 1998.

Manfred Schmid et Volker Schäfer (éd.), Wiedergeburt des Geistes. Die Universität Tübingen im Jahre 1945, Tübingen, Universitätsarchiv, 1985.

Benigna Schönhagen, « Tübingen als Landeshauptstadt 1945–1952. So viel Anfang war nie », in : Karl Moersch et Reinhold Weber (dir.), Die Zeit nach dem Krieg. Städte im Wiederaufbau, Stuttgart, Kohlhammer, 2008, p. 369–398.

Hermann Werner, Tübingen 1945. Eine Chronik, éd. par Manfred Schmid, Stuttgart, Theiss, 1986.